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De Correspondance de P. J. Proudhon

A M. Muiron (pp 13-16)

Correspondance Vol 1

Monsieur, combien celui qui ne sait s’ apprécier à sa juste valeur, le téméraire qui vit sans réfléchir, s’ apprête d’ humiliations et de chagrins ! Je me trouve dans ce cas par ma faute ; mais je me juge moi-même et m’ arrête à temps. Il est sans doute désagréable pour vous, je le conçois, d’ avoir fait toutes ces démarches si inutilement ; mais il est encore plus humiliant pour moi de me voir obligé de vous rapporter, la rougeur au front, une si brusque et si prompte décision. Je rivaliserai avec ce consul romain qui ne mangea ni ne but, dit l’ histoire, de tout son consulat.

Connaissez-moi bien, Monsieur, et confessez que je suis l’ homme du monde le plus incapable de faire le métier que j’ allais entreprendre. D’ ailleurs, je crois que nos principes ne s’ accordent pas ; et je vous l’ ai dit, quoique je n’ eusse pas encore de parti pris sur bien des choses, je tiens à mes principes, je ne les sacrifierai jamais, quoi qu’ il me puisse arriver ; je suis content de ma position d’ artisan. Je suis franchement et irrévocablement républicain de conviction et de sentiment ; il est vrai que mon républicanisme n’ est pas tout à fait celui des séides de Robespierre, des dévots à Marat. Ils sont jugés par leurs œuvres.

Je crois le gouvernement constitutionnel une ébauche grossière, un malheureux essai d’ un peuple ivre de ses libertés nouvelles, et prenant toujours les signes pour les choses significatives, comme l’ a fait la France depuis 89.

En France, et bientôt en Europe, il n’ est plus, suivant moi, qu’ une voie légitime à l’ immortalité, à la reconnaissance des peuples, et aux suffrages futurs de l’ histoire, pour un monarque constitutionnel : c’ est de se regarder comme exercant une sorte de dictature provisoire, sans conquêtes, au sein d’ une paix profonde. Je crois à la confraternité universelle. Tout souverain qui ne remplit pas cette mission est pour moi un traître, un prévaricateur, un ennemi de genre humain.

Vous conclurez facilement, d’ après cet exposé, que j’ opine à conserver et défendre le gouvernement que la France s’ est donné depuis 1830, au mois encore quelques vingt ou trente ans ; plus même, si besoin est.

En fait de religion, très-certainement il ne s’ imprimera jamais de moi une ligne qui ne tende, de près ou de loin, à détruire pur, que je crois avoir été professé par Moése et Jésus-Christ, me paraît suffire aux besoins de cœur de l’ homme, à toutes les exigences de sa raison. Tandis que le théologien prête à la divinité et à la Providence une foule d’ attributs contradictoires, d’ actes chimériques, qu’ il multiplie sans fin les mystères, le déiste, s’ il n’ explique tout, fait table rase, du moins, de cet échafaudage de rêveries, et son Dieu en devient plus raisonnable, plus conséquent, plus fait pour le philosophe et l’ homme libre.

En ceci, comme en fait de république, il va sans dire que, si la vérité n’ est jamais nuisible, au moins peut-elle être quelquefois inopportune. C’ est à la rendre opportune que tous les hommes de bien doivent donc travailler de concert.

J’ ai beaucoup plus médité que lu sure ces matières, et mes observations, j’ ose le dire, sont toujours venues à l’ appui des axiomes, des conséquences et de leurs corollaires. Le peuple, en général, entre parfaitement dans toutes ces idées, à tel point que, loin d’ être un système, elles semblent au contraire l’ état naturel de la société. Comment se fait-il que la manifestation de la vérité soit si lente et si tardive ?

Je ne crois pas à l’ indifférence ni religieuse ni politique dans le peuple ; aussi longtemps qu’ il se dira : il faut un Dieu, il faut des lois, il ne sera pas indifférent ; mais il règne une défiance hostile entre le peuple et le sacerdoce, entre les gouvernants et les gouvernés ; la faute tout entière, l’ histoire est là, est aux prêtres, aux rois et aux nobles.

Je ne crois point d’ avantage à toutes ces impertinentes rêveries de jeunesse, maturité, décadence des nations ; je crois le peuple moins corrompu de nos jours que par le passé. Les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, qu’ ont si bien cru montrer et prouver les Bossuet et les Montesquieu (je vous cite un exemple pris entre mille), je ne les vois pas dans la corruption infecte des mœurs de peuple. Mais je vois que des maîtres pervers ont toujours cherché à détériorer leurs malheureux sujets. En leur criant qu’ ils étaient plus méchants, égoéstes, impies, moins habiles dans les sciences et les arts que n’ avaient été leurs pères, ils ont toujours cherché à les charger de leur propre infamie. Le peuple, à force de se l’ entendre dure, finissait par le croire. Chacun se disait : puisque j’ en ai la honte, j’ en veux avoir le plaisir, et c’ est ici qu’ on peut faire une application générale de cette maxime que saint Paul ne disait que d’ un vice : Desperantes semet ipsos tradiderunt impudicitivœ.

Je ne finirai point sur ce chapitre, non plus que de vous exposer la série de toutes les idées paradoxales.


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