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De Correspondance de P. J. Proudhon,

le tome premier, pp 34-37

AU MONSIEUR ACKERMANN

Mon cher Ackermann, toutes vos remarques sont excellentes, et j‘en veux aux épais Franc-Comtois que j‘ai pu consulter, et qui n‘y voient pas ; mais il est trop tard ; j‘ai fait tirer sans vous attendre, afin d‘être plus tôt près de vous. Cependant, le mal n‘est pas sans remède. L‘édition est à deux cents exemplaires, que seront emportés par les amis de l‘auteur et les lourdauds du pays, après quoi nous aviserons au moyen de faire mieux, et d‘imprimer pour des Français.

Je n‘ai que deux chose à vous représenter:

1 Vous me reprochez de ne point égaler le style de Rousseau: auriez-vous eu le droit de dire au P. Ropin, à la publication de sa première pièce de vers : C‘est passable, mais vous n‘égalez pas Virgile ?

2 Vous insistez sur le latin et les termes de scholastique: mon discours n‘est point encore destiné exclusivement au peuple. Je mettrai postulé au lieu de postulatum ; mais il est reçu partout de dire à priori et à posteriori : le citum et le factum sont deux expressions intraduisibles et adressées aux philosophes. Je supprimerai criterium, et vous aurez la bonté de me donner l‘équivalent de triduum.

Je ne manquerai pas, je vous assure, de consulter M. Droz; je vois d‘ici ses froncements de sourcils ; mais il faut qu‘il y passe. Si vous avez jamais cru que je me proposasse de lui cacher cette publication, vous vous êtes trompé.

Du reste, vous avez bien raison, et je l‘ai senti il u a longtemps pour la première fois : j‘ai besoin de travailler mon style. Cela me coûtera plus que toutes mes autres études. J‘ai des idées capables d‘alimenter deux ou trois Châteaubriand, et je ne puis venir à bout de les rendre. Ce que l‘on conçoit bien s‘exprime clairement ou aisément, je ne sais lequel. C‘est aussi faux qu‘un proverbe. Je suis sûr de bien concevoir ce que j‘ai à dire, et j‘ai mille peines à l‘exprimer ; je n‘en voudrais pour preuves que les passages mêmes que vous m‘avez signalés, et que j‘aurais pu corriger à l‘instant. Mes faiblesses de style me viennent toujours du défaut d‘oreille, de mon inadvertance ou de mon ignorance, jamais de l‘inertie de ma conception.

J‘ai fait quelques corrections nouvelles à votre discours en le faisant imprimer ; par exemple, les beaux parleurs qui vieillissent ; qui vieillissent m‘a paru inutile. Voyez. Je ne me rappelle pas le reste, n‘ayant plus mon épreuve.

J‘arriverai vendredi, vers le soir ; je pars après-demain mercredi, à cinq heures du matin. Je n‘ai pas encore lu entièrement votre épreuve sur les noms composés, et pas une ligne des miennes, tant je suis occupé ailleurs. Il est temps que je me sauve.

Vous me reprochez amicalement de ne pas tenir compte de vos principes, à propos de sauvegardes : la vérité est que je me suis trouvé fort embarrassé, et que j‘ai regretté que vous ne fussiez pas là.

Item, vous demandez si je veux apprendre au public que j‘ai concouru ? Non, je ne le lui dirai pas ; mais aussi, j‘imprime sur ma couverture que le sujet a été proposé pas l‘Académie : dès lors, je suis censé parler à l‘Académie.

J‘aurai à m‘entretenir avec vous sur plusieurs locutions que j‘ai hasardées, et qui me viennent du peu de philologie comparée que j‘ai fait : ce sont des imitations latines, grecques ou hébraïques. Il faudrait savoir ce qu‘il est permis de faire pour l‘enrichissement d‘une langue et pour le transport des locutions étrangères. Le fond de tout ceci, c‘est que nul n‘écrit parfaitement qui sait trop de langues, ou qui en sait quelques-unes trop bien. Tout grand écrivain n‘a été fort que dans sa langue.

Je vous assure que j‘ai une démangeaison terrible d‘envoyer la littérature au diable : cela m‘ennuie et m‘excède. Je n‘ai pas cette patience dont parle Béranger, et que je vous souhaite. Je voudrais pouvoir parler par formules, mettre tout ce que je pense en une feuille ; j‘en tirerais tous les ans deux mille exemplaires que j‘enverrais gratis et franco partout ; et puis je composerais des lignes de plomb.

Que je fasse des vers ! Voulez-vous que je me fasse saigner, que je me mette au lit, que je prenne l‘émétique ou l‘ipécacuanah ! J‘aime mieux faire tout cela que des vers.

Vous, vous irez loin ; vous avez la manie de l‘art : vous sentez le beau littéraire, qui me fait bâiller, vous êtes homme à souffrir dix ans pour succès. Votre vocation se montre bien plus dans vos remarques que dans vos ≈“uvres; et la raison en est simple: dans la critique, la raison et le goût se montrent, tandis que la composition les déguise!

Il fait sombre! Il pleut; oh ! que je m‘ennuie. Je voudrais m‘endormir pour cinquante ans.

Adieu, à samedi.


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