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A MM. PILHES ET LANGLOIS1
Chers amis, je suis ici depuis samedi soir 20 courrant. Dés mon arrivée j'ai été mis au séquestre, un gardien de planton à ma porte. Les fenêtres de ma chambre sont juste en face de la maison du major (gardien en chef), que vous apercevez sur le rempart. Hier, 24 j'ai été interrogé, sur une commission rogatoire, par le juge d'instruction de Doullens. Je serai donc enlevé d'ici pour aller comparaître devant la Cour d'assises, sauf à être réintégré après. Je suis sans nouvells de ma femme, de mon frère, qui a fait cent lieus pour me voir et que j'ai à peine entrevu. Je juge, à leur silence, qu'on leur refuse l'autorisation de me voir. Pouvezz-vous me faire passer un billet, queques renseignements sur ma situation? Je tâche de m'étourdir, mais je suis dans une angoisse atroce. Ah! si les homess ne faisaient que se mangers les us les autres, comme on le dit de certains animaux, je les estimerais encore; mais ils ont invené le supplice, l'art de se faire suffrir sans se manger; c'est un mérite à ajouter à la liste de leurs vertus.
Il me semble que j'entends q uelquefoisa Pilhes. Donnez-moi signe fe vie, si c'est possible.
Le Moniteur m'a appris que vous ne seriez pas déportés, et que c'est à O. Barrot que vous devez cela. Serait-ce un signe que les conservateurs borugeous, mais ni jésuites, ni légitimistes, reviennent à de meilleurs sentiments? dieu le veuille!
Pour moi, je ne sais si après tout je ne préférerai pas Noukahiva ou Waïtou même à six ans de prison. Qu'en dites vous? Avez-vous donc si peur des tropicques et ses sauvages?
Adie, je vous serre la main, votre bien triste, bien désolé,
P.-J. PROUDHON
1. Proudhon, P.J. (1875) Correspondance de P.J. Proudhon, Tome Troiséme Librairie Internationale, Paris, pp. 222-223.
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