Cette lettre est la reponse de Proudhon a un jeune homme qui l'avait écrit. Malheureusement, on n'a pas la letter originelle de cet homme et donc on doit diviner ce qu'il avait écrit de la reponse.
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Conciergerie, 18 mars 1850.
A M. B*** FILS, DE LA FERTÉ-BERNARD1
Monsieur, si j'avais l'honneur de vous connaître, si je pouvais prendre vos paroles au sérieux et ajouter foi à la sincérité de votre demande, voici ce que je me permettrais de vous répondre:
Vous n'avez pas dix-sept ans, dites-vous; vous voulez adopter une opinion et suivre un parti politique, et, à cette fin, vous me demandez des conseils.
Eh bien! Monsieur, je veux bien vous avertir que vous ne devez point attendre de ma part une pareille complaisance; je ferai plus, je vous ferai connaître mes motifs.
Il ne vous appartient pas, jeune homme, de vous lancer dans la politique et d'embrasser une opinion, surtout si elle est contraire à celle de vos parents; vous n'avez point l'âge auquel il soit permis à un fils de famille de suivre ses inclinations, et, bien loin que vous puissiez invoquer en votre faveur la précocité de votre jeune experiénce, votre lettre me prouve prècisement que vous ne savez point ce que sont nos hommes d'État, et que les meilleurs écrivains sont ceux qui se sont plongés le plus longtemps dans les choses serieusés avant de saisir la plume.
Que ces réalités soient de la physique, de l'histoire, des mathématiques, de l'industrie, du commerce ou de la pratique, peu m'importe; la politique n'est que le vêtement plus on moins agréable et juste dont on revêt les idées positives, fournies par le travail intellectuel et moral; et vous, qui êtes jeune, vous qui entrez dans la vie, vous qui n'avez encore rien fait, vous voulez, en débutant, vous lancer dans un parti? Et c'est à moi que vous vous adressez pour vous servir de conseil? Mais sachez donc, Monsieur, qu'avant d'ètre journaliste j'ai été quinze ans imprimeur et seize ans commis, et que je me trouve encore, par l'insuffisance de ma carrière industrielle, fort au-dessous de ma tâche.
Quant à mes opinions politiques, que vous prétendez etre celles de Robespierre et de Ledru-Rollin, je n'ai Ià-dessus qu'une chose à vous dire, c'est que je suis I'antipode de Robespierre, et que j'ai maintes fois combattu les tendances do Ledru-Rollin, ou plutôt des hommes de son parti; vous voyez donc bien qu'il vous faut encore réfléchir bien longtemps, avant de pouvoir exprimer, sur ces matières délicates, un jugement consciencieux et motivé.
Je ne veux donc point vous donner de conseils, parce que, outre que vous n'avez point l'âge ni l'expérience nécessaires à Ia politique, dans le cas où mes conseils ne seraient pas d'accord avec les vues et les sentiments de Mousieur votre père sur votre personne, je pourrais, sans le vouloir, me rendre coupable d'une séduction de mineur et d'un véritable attentat contre les lois de ]a famille et de l'autorité paternelle.
Je termine en pensant que votre lettre n'est qu'une mystification à mon adresse; dans ce cas, Monsieur, la moindre réparation que vous me devez est de prendre vos renseignements sur ma personne à meilleure enseigne; vous découvrirez, sans nul doute, que je suis pur de tout charlatanisme, et que ma vie et mes intentions peuvent, jusqu'à présent, défier la calomnie.
Je vous salue.
P.-J. PROUDHON.
1. Proudhon, P-J. (1875) Correspondance de P.-J. Proudhon; Tome Troisiéme Librairie Internationale; Paris, pp. 172-174.
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